Aminata

Elle descend la colline,

Avec sa cruche pleine de rires,

S’en va refaire le monde avec ses amies,

Près de la source de vie.

Aminata sait tout et informe sur tout.

Choisis bien ta vie même si peu éduquée,

Le bonheur suivra tes choix sensés.

Choisis bien ton homme et la paix tu auras.

Montre lui qu’il n’est pas le seul,

A apporter le pain sur la table de la maison.

Dis-lui que tous deux avez un coeur,

Qui bat du côté gauche de votre poitrine.

Vivez d’égal à égal,

Le reste sera la chance que nul ne peut prévoir.

Elle affirme et confirme les secrets de la liberté,

Qui résonnent et tintillent jusqu’à l’au-delà.

Aminata prend l’eau pour son repas,

Resillonne la terre rouge en surmontant la souffrance, 

De voir ses soeurs désemparés par la pauvreté,

Et ses frères partir aux guerres interminables.

Elle a le temps de retrouver le sourire à la porte du village,

Et donner un peu à boire au viellard qui ne sait se déplacer.

Elle écrase et hache les condiments,

Son repas sent bon, a un goût d’espoir,

Aussi doux que l’amour qu’elle porte à sa terre.

Aminata sourit et sait plaire.

La voilà dans son boubou rouge, si belle, si joyeuse,

Attendant ses bien aimés comme on attend le soleil à l’aube.

Il arrive le plus grand avec ses pas rassurants,

Il arrive et la berce de tant de mots d’amour.

Rien à voir avec les truands qui rentrent en réclamant!

Il est son égal, elle est son égale.

Il arrive le petit qui égaye leur vie,

Pour lui ils ont des rêves,

Qui concourent la hauteur de leur amour.

Peut-on jamais rêver grand si on n’aime pas grand ?

Ils voudraient tant un deuxième,

Qui se fait encore attendre.

Un ou une, ce sera un enfant avant tout.

Ils confient leur vie au Dieu de la Terre Rouge.

Puis mangent ensemble et rigolent,

Et se mettent tous à ranger en chantant.

Les voisins ne comprennent pas,

Disent qu’elle a ensorcelé son homme,

Qu’il devrait commander, dominer, et opprimer.

Opprimer qui, opprimer quoi?

Il est son égal, elle est son égale.

Le voilà de retour au travail,

Voilà le fruit de leurs entrailles de retour à l’école,

Voilà Aminata partie au marché,

Marchander les petites récoltes pleines d’espoir,

Pour avoir des sous qui lui permettent de rêver,

Sans avoir à mendier.

Elle va rire chez la voisine et savourer sa liberté,

Passer chez la Sage et apprendre la Vie.

Tous ces secrets qu’on n’apprend pas à l’ecole,

Comme celui d’être heureuse avec le peu qu’on a,

Ou encore celui de choisir le bonheur.

Aminata, ni soumise, ni insolente,

Aminata, ni pauvre, ni riche.

Un peu d’elle-même ici,

Un peu d’elle-même là.

Elle avance tout doucement,

Prêche la liberté à qui veut l’entendre.

Un jour, elle lira, l’affirme-t-elle avec conviction.

Elle ira à l’école rationnelle, l’école carrée, l’école scientifique.

L’école rigide qui ne détient qu’une part de vérité.

L’autre part elle l’aura à l’école gratuite de la Vie.

La troisième chez la Grande Sage du Village d’à côté.

Un jour elle sera éduquée.

Aminata éclate de rire. 

Que veut dire “éduquée” dans un monde

Où les grands utilisent leur “éducation” pour desservir le monde ?

Aminata sait des choses que les livres ne nous apprennent pas.

Est-ce parce qu’elle ne sait pas lire les livres,

Qu’elle a appris à lire la Vie davantage?

Observer la nature et déchiffrer ce qu’elle pense.

Ecouter les oiseaux chanter et savoir que la pluie est de retour.

Aminata, analphabète mais philosophe incontournable.

Aminata, je t’en supplie, éduque-moi!

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