On dit que le temps guérit les choses
Et qu’il finit par accorder une pause,
Mais 27 ans après,
Il y a encore des des sons qui nous poignardent
Au creux des souvenirs qui nous obsèdent
Sans qu’on ne puisse trouver d’efficace remède
Il y a encore d’insurmontables souffrances
Et des plaies qui nous démangent à outrance
A se demander parfois si survivre était une chance
Il y a encore au fond de nos cœurs
Désemparés et meurtris par la rage
Des envies de laisser aller
Car revivre demande plus que du courage
Il y a encore des folies qui nous traversent
Sans qu’on ne trouve de coin pour les fuire
Ou un signe quelconque de paix qui nous berce
Pour enfin nous poser et nous reconstruire
Il y a encore des souvenirs enfouis
Qui nous percutent dans nos faux semblants
Lorsqu’on pense aux scènes d’horreur innouie
Qui pour le monde n’étaient que des faits divertissants
Il y a encore des nuits de plongée dans l’agonie
Mêlées à des phases de folie et de déni
Suivies de réveils en sursaut et en zizanie
Comme si nous étions des éternels punis
Il y a encore des colères
Qui font de nous des ensorcelés
Lorsqu’elles surgissent de nulle part
A l’aube d’un jour sensé être ensoleillé
Il y a encore des jours où nous sommes à terre
N’embrassant rien que du vide
Pour tenter en vain de faire taire
Jusque dans nos veines les bruits du génocide
Il y a encore ce y en a marre
Au fond de nos têtes que l’on réserve
A tous les tourments qui n’en finissent pas
A toutes les angoisses qui nous dévorent
Il y a encore des corps qui gisent dans l’indignité
Et qui attendent le courage et l’humanité
De celui qui sait où ils sont
Pour enfin être inhumés dans l’honneur
Par ceux qui déambulent à les chercher
Au gré des saisons
Et comme tout ceci ne suffisait pas,
Il y a encore des assassins de la mémoire
Occupés inlassablement à exécuter la dernière étape
De notre sombre histoire
Sans que la douleur des survivants ne les frappe
On dit que le temps guérit les choses
Et qu’il finit par accorder une pause
Peut-être que c’est un peu vrai…
Après tout, 27 ans après
Il y a aussi un espoir arraché je ne sais où
Qui nous fait marcher tous les jours
Les coeurs meurtris mais remplis d’amour
Il y a aussi l’arrivée des nouveaux nés
Qui en un instant nous font oublier
Notre condition de forcenés
Et puis il y a cette jeunesse
Qui nous tire vers le haut
En nous racontant des histoires sans fardeau
Qui petit à petit défont notre détresse
Il y a aussi des jours de joie
Qui se mêlent au pincement au cœur
Que ceux qui ne sont pas là
Ne puissent voir nos victoires contre la rancoeur
Il y a toujours un sourire au fond de nous
Qui invite à un bonheur
Qui n’est plus pris pour un acquis
Mais qu’on ose à peine croire permis
Il y a toujours cette envie de vivre
Qui sonne comme un bataille ultime
Contre nos laisser aller multiples
Il y a toujours cette lumière inattendue
Qui éclabousse les barrières
De nos ombres perdues
Qui sans cesse rôdent un pas en avant un pas en arrière
Il y a cette conviction armée d’une réalité peut-être contradictoire
Mais si juste à bien des égards
Qu’il n’est que possible de faire taire
Un génocide qu’en devenant gardien de sa mémoire
Il y a encore des conséquences, matérielles, psychologiques, physiques
De ce dernier génocide du XX eme siècle
Perpétré contre les tutsis du Rwanda, entremêlé de massacres d’opposants politiques
En plein jour et en sombre nuit
D’avril 1994 à Juillet 1994
Sous le silence lâche et nauséabond
Des grands de ce monde
27 ans, oui, on dit que le temps guérit tout
Mais un génocide n’est pas le genre de chose
qu’on regroupe dans ce tout.
Le temps guérit ce qui est guérissable
Une fois qu’un génocide se déclenche
L’espoir de toute une génération est sacrifié
On ne peut juste que répéter le plus jamais ça
Pour les générations futures.
Zaha Boo
Bien dit . Merci
Merci Claude
Merci Zaha
De rien Victor