Amatiku, c’est comme un métal qu’on forge (amatiku barayacura) et ce qu’on forge soi-même, on l’a toujours abondance. Les amatiku ne seraient pas des couteaux très tranchants? Un pour la famille, un pour les amis, un pour le travail, pour le marché, un autre pour l’Eglise…Ciel!
Amatiku…Vous n’avez pas l’idée de tout ce que certaines personnes peuvent trimbaler avec elles. A première vue, elles ont l’air désarmés et gentilles, mais dès qu’elles se mettent à parler, il n’y a que des amatiku tranchants qui sortent de leur bouches.
Mais, au fond amatiku c’est quoi ? Faute d’avoir trouvé un mot de français qui pourrait correspondre, en voici une courte explication.
Amatiku, ce sont tous les problèmes partiellement imaginaires, sur lesquels une quantité incroyable de temps et d’énergie est consommée en querelles sans avoir l’intention de les résoudre. Pour moi, le manque d’intention de résoudre les querelles et la partie imaginaire forment l’essence même des amatiku. C’est juste destructeur et cela ne fait avancer personne. On les traine en longueur, on les nourrit, mais concrètement, il n’y a pas de solution possible à cela, à part se taire, et s’adonner à d’autre activités plus constructives. Attention, les amatiku ont toujours un fond de vérité mais qui est excessivement noyé dans des interprétations rocambolesques. Un petit caillou devient un volcan, un chat devient un tigre, un papier devient un livre. Illisible.
Derrière les protagonistes des amatiku se cachent beaucoup de personnalités qui ne cherchent que noise. Il y a ceux qui aiment le show, qui n’ont pas conscience de blesser, qui ont le temps de se quereller. On peur leur donner le nom de Birihanze. Ils jouent un rôle d’incubateur des amatiku et n’ont aucun secret, aucune dignité, aucune valeur. D’autres sont des persécuteurs, qui sont à la recherche des victimes. Puis des victimes qui sont à la recherche de persécuteurs (oui, oui, il faut aussi en parler). Et l’humain moyen, qui tombe parfois, stupéfait au beau milieu de ce vacarme. Une personne comme vous ou moi peut prendre différents rôles, dépendant du contexte.
Bouffeurs de temps
Il n’y a rien qui consomme autant de temps que les Amatiku. Avec les médias sociaux, on peut se rendre compte du fléau. Et aucun domaine n’est épargné.
Les Eglises
La politique
Les affaires
Les familles
Et ce sont toujours ceux qui en forgent le plus qui sont le moins efficace. Certaines Eglises soit disant salvatrices rendent malades leurs fidèles à cause des Amatiku. Qui a volé les dimes, qui va prêcher, qui veut se faire remarquer, qui cherche les honneurs. Où est Dieu dans tout ça ? La politique demanderait un article à part, peut-être même un livre à dix tomes. Des personnes créent des comptes anonymes rien que pour insulter les autres à longueur de journée. Dans les affaires, c’est ce qui est le plus malheureux, bien des projets ont avorté car les associés se sont retrouvés dans un engrenage d’Amatiku. Ils se sont autodétruits jusqu’à perdre tous leurs fonds propres. Bien des familles rwandaises se sont vues complètement disloquées à cause des Amatiku, au point de ne pas s’inviter dans leurs mariages, de seulement pointer lors des deuils, de porter certains conflits en justice, où va le monde ? Bien entendu cela crée plus de pauvreté, car la solidarité disparaît et les plus vulnérables, pas forcément innocents, sont les premières victimes.
Tant de temps est gaspillé sur les amatiku, pour entendre les gens qui les alimentent dire qu’ils n’ont pas le temps lorsqu’on propose un projet plus constructif.
Nta mwanya afite.
Ariko akabona uw’amatiku yo ku Murenge.
Amatiku dans la culture rwandaise,
Dans la société rwandaise, si l’on devait comparer Amatiku avec un plat, ce serait un plat cuit avec une sauce aigre douce. Dans une sauce aigre douce, on y met à la fois des ingrédients doux comme de l’ananas, et acides comme du vinaigre. Culturellement, notre rapport avec les confits est un rapport assez difficile, dans lequel un conflit éclate après maintes tentatives de le diluer doucement, ou de passer le message aussi paisiblement que possible.
C’est là que quelqu’un tout en étant content, te montre qu’il n’est pas content en fait.
Nagerageje kumwiyama
Buhoro buhoro
Ntiyabyumva
Noneho nderura.
Vous ne comprenez pas? Moi non plus.
Amatiku et le genre
Un proverbe rwandais dit : « Amatiku y’umugore asenya umudugudu » Cela veut dire « Les amatiku d’une femme détruisent un village ».
C’est vrai que certaines femmes rwandaises peuvent être des cas spécifiques d’amatiku, et vous faire perdre du temps pour de petites choses. Mais cela n’a rien à voir avec leur nationalité, ni avec leur genre, c’est juste un pur hasard. Et puis, s’arrêter à ce proverbe, c’est mal connaître certains hommes rwandais d’aujourd’hui. Avec la mondialisation, et les médias sociaux, bien des hommes rwandais ont poussé les Amatiku à un niveau défiant toute concurrence. Mais encore une fois, cela n’a rien à voir avec leur nationalité, ni avec leur genre, c’est juste un pur hasard.
Kera umugabo, yabaga atuje
Afite amagambo abaze
Apimye
Avugitse
None bamwe babaye boulé boulé
Baravugaaaa,
Bazamura itiku,
Bakarimanura
Abagore tugahunga
Ahaa, nihitiraga.
Les cas typiques des Amatiku
Les associations rwandaises (formelles ou informelles) sont un endroit idéal ou les amatiku se développent comme des champignons. Les asbl ( associations sans but lucratif) deviennent souvent des aabc ( associations à but conflictuel). Voici les cas typiques d’explosion d’amatiku :
- Le trésorier s’est servi dans la caisse
- Tout le monde veut présider l’association
- Certains avaient un but non dévoilé personnel (genre on demande des subsides puis on les encaisse)
- Des soupçons de “traitrise” de tout genre.
Les amatiku diluent souvent l’intérêt commun et donnent place à des discussions interminables, inutiles et des coups bas. Le bon côté c’est qu’un bon nombre associations restent très efficaces malgré les amatiku (mais comment font-elles ?) mais les gérer engendre souvent une fatigue morale plutôt qu’un bien être. Si elles pouvaient trouver un moyen intelligent de résoudre leur conflits, le développement qu’elles engendreraient serait encore plus impressionnant.
Amatiku et traumatismes
« Umutima usobetse amaganya ntusobanura amagambo »
(Un cœur noué par le chagrin ne peut avoir des mots clairs)
Les traumatismes du génocide ont aussi engendré des nouveaux cas de conflits, qui ne peuvent pas être complètement gérés ou même compris dans le cadre de la culture rwandaise. Parfois on reproche à une personne d’être toujours à l’affut du moindre conflit, de parler constamment du mal des autres, de voir des problèmes partout.
Agira amatiku
Je ne suis pas psychologue, mais il n’est pas impossible que cela cache un traumatisme. Quand nous voyons les autres avec un regard imprégné de souffrance, nous pouvons soit les voir avec compassion soit avec aigreur. Souvent, un conflit éclate car nous analysons une situation avec notre histoire et nos sensibilités. Il n’est pas impossible qu’il faille d’abord faire un travail de guérison sur soi-même afin d’avoir des relations saines avec les autres.
Comment réagir face aux amatiku
Déjà, il faut avoir conscience de ses attentes. Certains ont carrément délaissé les milieux rwandais, trop conflictuels, trop vicieux disent-ils. Mais pourquoi se condamner à être un étranger perpétuel à cause des mauvaises langues ? Parce que amatiku, ce n’est pas une histoire à la rwandaise seulement. Dans toutes les communautés, tous les pays, il existe des conflits interminables, qui fonctionnent selon divers codes culturels. C’est la nature humaine ou plutôt la dénature. Le fait de se dire que justement chez les rwandais c’est pire, est une déception qui correspond aux attentes prédéfinies et non à la réalité, que chez le rwandais, il devrait y avoir une certaine dose de douceur.
Et si on la créait au lieu de la revendiquer?
Pour moi, voici quelque moyens simples de ne pas tomber dans l’engrenage des amatiku. Lorsqu’une personne vous cherche noise :
- Garder le calme et se demander si entrer en conflit sera producteur
- Ne pas alerter les voisins, la famille, la colline entière, mais réfléchir sur des pistes d’une solution possible.
- Essayer de réfléchir sur ce que le conflit peut apporter de positif
- Ne pas introduire des personnes qui peuvent envenimer les conflits
- Faire des activités qui renforcent l’esprit d’équipe (Team Building). Pour l’avoir fait dans le cadre professionnel, ce genre d’activité permet de voir l’autre en tant qu’être humain et cela dilue pas mal les conflits.
- Ne pas hésiter de se séparer des personnes négatives : parfois il est nécessaire dans de les mettre face à leurs responsabilités et de s’en éloigner …
- Avoir le courage d’avancer malgré les désaccords. On ne peut pas être d’accord sur tout, mais on peut trouver des points d’entente.
- Parler à des professionnels : des psychologues. Des coachs : les structures comme des associations ou les sociétés font parfois appel à une personne externe pour essayer de résoudre leur conflits internes. Plutôt que disloquer une association utile et efficace, pourquoi ne pas faire appel à ce genre de services ? C’est cher et luxueud vous dites? Y a pas plus cher que la guerre.
- Ne pas hésiter à se séparer paisiblement. Si les divergences de vues sont trop importantes pour le fonctionnement d’un groupe, il n’est pas obligatoire de se séparer faché. S’encourager et se mettre d’accord de prendre des routes différentes est un signe d’une sagesse extrême.
Et après ?
On parle souvent des grandes guerres qui détruisent tout sur leur passage, mais on oublie que les petites guerres détruisent les infrastructures nationales de manière invisible mais efficace. Les amatiku dans les écoles, les églises, les familles sont mauvais pour le développement d’un pays, et plus précisément, ils sont mentalement destructifs.
Essayons donc de ne pas les alimenter, et de nous adonner à des activités plus productrices dans nos vies.
Et puis, quelque part, on parle d’une chose, merveilleuse qui marche et qui peut durer si on lui donne sa chance.
La paix!
Zaha Boo
Bien dit
Ma chère Zahaboo tu viens de résumé le mal du siècle de notre communauté. À ce qu’a dit Yolande, je n’ai rien à ajouter. Komerezaho ujye udukuruguta amatwi rwose. Dutahe cyanee. Richard
Bonjour Zaha Boo, très content de lire cet article, d’apprendre un peu plus sur notre culture.
Chere soeur,
Le probleme est que Les amatiku ont engendre un monstre.A l’epoque de nos parents,Grand- parents etc.. la societe rwandaise etait saine et noble. Les Amatiku etaient gerables entre familles,amis et clans avec plus ou moins de discretion. Aujourd’hui,c”est le contraire.
De nos jours,il est triste de constater que nos valeurs sont entrain de s’evaporer. Il suffit d’un rumeur,et voila que le tissus familial se dechire,entrainant l’ecroulement de notre societe. Le cas le plus extreme, c”est le genocide perpetre contre Les Tutsi.
Sur une intoxication coloniale,comme quoi Les Tutsis sont des etres superieurs,etc..cela a entraine ce que nous avons vecu,jusqu’aujourdh’ui.