Aujourd’hui, le 7 Avril 2019, cela fait 25 ans que le génocide perpétré contre les tutsis a commencé.
L’incompréhension est toujours la même. Ce jour-là, des extrémistes hutus assoiffés de sang et de pouvoir sans partage, décidèrent de manière structuré, coordonnée et idéologique, d’exterminer les tutsis. Le génocide commença à Kigali et s’embrasa de jour en jour dans les régions avoisinantes, à mesure que les génocidaires encourageaient la population à tuer, jusqu’à couvrir le pays entier.
Pour empêcher toute voix qui viendrait à compromettre le projet génocidaire, presque la totalité de tous les grands opposants politiques furent exterminés le 7 Avril 1994.
Un quart de siècle n’est pas un quart de peine. Malgré les nombreux livres publiés, des commémorations dans le monde entier, souvent les gens s’imaginent que les démons du génocide ne sont pas un tabou dans des familles des survivants. Ce n’est pas vrai. Même vingt-cinq ans après, nous connaissons toujours une personne qui préfère s’éloigner dès que nos récits interminables de 1994 commencent. Nous connaissons une personne qui n’a jamais pu mettre les mots sur sa douleur et qui préfère s’enfermer dans le silence. Souvent, cette personne ne le fait pas seulement pour se protéger, mais également pour protéger les autres.
Nous connaissons aussi une raconte son calvaire de manière répétitive et sans fin. Chaque fois qu’elle en a l’occasion, souvent tard la nuit, lorsqu’après une longue journée la fatigue commence à s’installer, et que toutes les défenses se relâchent, elle parle. Parce que c’est le seul moyen de poser son poids. Et à chaque fois qu’elle le fait, elle livre un nouveau détail, plus douloureux, plus poignant de son histoire…
Nous connaissons aussi d’autres personnes qui ont trouvé un équilibre apparent, mais qui sont toujours hantées par des nuits de terreur loin des regards.
Un quart de siècle oui, mais pas un quart d’impossible…Pensons à tout le poids qui repose sur les épaules des survivants. Trop de poids sur leurs épaules car la paix ne peut se construire sans qu’ils ne pardonnent, sans qu’ils n’acceptent de vivre parfois avec leurs bourreaux voisins, sans qu’ils n’acceptent de soigner leurs douleurs pour construire une nation de paix, sans qu’ils n’acceptent de témoigner pour mettre le monde en garde sur les conséquences d’un génocide, sans qu’ils n’acceptent que des bourreaux puissent terminer leur peine de prison et rentrer chez eux retrouver leurs familles alors que les leurs ne reviendront jamais.
25 ans après, les yeux de quasi toutes les nations sont rivés sur le Rwanda. Les mêmes nations qui ont détourné leur regard 25 ans plus tôt et abandonné des milliers de civils innocents à leur sort. Elles commémorent aujourd’hui le dernier génocide du XXème siècle. N’aurait-il pas fallu empêcher ce génocide en premier lieu ?
Un quart de siècle oui, mais pas un quart de révolte…L’indignation est toujours la même, dans mon coeur, quand je pense à la virulence de ce génocide, aux mots crachés par les radios, aux miliciens enragés, au gouvernement de l’époque haineux, aux victimes piétinées par la haine de toutes les manières possibles et imaginables. C’est comme si c’était hier, même si l’heure du temps me dit que cela fait un quart de siècle…
Je pense à toutes les familles des opposants politiques assassinés, à toutes les familles des tutsis assassinées au premier jour d’un génocide qui va durer cent ans, et je ne sais quoi dire aux survivants…Mais malgré la peine, la révolte, je choisis la paix.
Zaha Boo