C’est un jour de Mai tôt le matin. On voit Mwiza se presser par-ci par-là pour se faire belle. Douche de deux heures, pose de vernis à ongles sur les orteils et les doigts, repassage raffiné de deux somptueuses robes. La première sera de couleur jaune Soleil. Oh le jaune, elle aime tant le jaune. La deuxième sera de couleur Bleue. Bleu de la nuit à laquelle rien ne s’oppose. Oh le Bleu…
Vers midi, Mwiza sort de la maison. Plus belle que dans tous les rêves du monde. Avec sa robe jaune, on peut désormais affirmer que la terre a deux Soleils. Mwiza nk’Izuba… (Belle comme le Soleil). Elle se dirige vers Bosco le chauffeur, et lui demande de la déposer devant le Pili-Pili. La voyant monter et illuminer une bécasse vieille comme la lune, Bosco sent qu’il va être mêlé à quelque chose. De mal. Quelque chose de pas catholique.
Bosco conduit maladroitement car il n’est pas concentré. Il ne cesse de se demander pour qui Mwiza s’est faite aussi belle. A l’entrée du Pili-Pili, il ne tarde pas à voir un visage qui lui est douloureusement familier.
Alan.
Oh, Alan…tournera-t-elle toujours autour de toi sans fin ?
Bosco est remonté. Il est sûr qu’Issa n’a d’yeux que pour elle mais voilà, elle va encore trainer avec ce,…..ce…ce truc! Et puis d’ailleurs c’est lui qui conduit. Il faudra lui passer sur la corps pour qu’il la livre au…..au…loup! Sans qu’il ne l’ait planifié, il se voit hurler fort sur Mwiza : ” Urakabije!!!” (Tu exagères!). Il fait demi-tour brusquement et retourne vers la maison de Mwiza. Après tout, c’est sa cousine lointaine, et il se doit de la protéger et na!
Mwiza ne proteste point. Il y a de ces choses que seul le silence peut gérer. Et puis, elle pourrait se casser un ongle si elle se débattait. Pas de risque donc. Bosco veut la confronter mais se retient en voyant sur sa joue une larme. Il ne sait pas dire si elle pleure de tristesse ou de joie. Pas de risque donc.
Arrivés à la maison Mwiza sort de la voiture sans protester. Bosco qui a retrouvé ses esprits, il veut s’excuser mais c’est trop tard. Mwiza a déjà disparu dans la maison.
Mwiza pleure dans sa chambre. Le voile de sa robe jaune sensuelle ne lui a guère porté chance. C’est la deuxième fois qu’elle porte la robe. La première fois ne lui avait pas porté plus de chance. C’était un rendez-vous avec un certain Rafin rencontré chez des amis, en Arizona. Un républicain. C’était la première fois qu’elle voyait un républicain qui votait pour Trump. Bien entendu, Rafin se comporta comme tel, et ne tint pas ses promesses. Il ne vint donc jamais au rendez-vous. Elle ne sut jamais pourquoi. Pourtant c’est simple : elle portait une robe jaune, et certaines personnes ont peur du Soleil. Il faut quand même être républicain pour poser un lapin à Mwiza.
Plus tard vers la soirée, c’est avec stupeur que Bosco vit Mwiza sortir de la maison en robe noire. Punaise, elle ne comprend rien ou quoi ? Non, elle fait partie de ces personnes qui ne retiennent aucune leçon de la vie. Au moins va-t-elle prendre un taxi ? Va-t-elle encore oser lui demander de la déposer? Ben, oui. Pourquoi appeler un taxi quand Bosco est là? Mwiza , demande cette fois-ci à être déposée devant l’hotel Serena. Bosco cherche d’abord dans son regard quelque chose qui pourrait le rassurer, comme de la gêne, mais rien. Ah sacré Mwiza. Il s’exécute donc machinalement et promet au ciel que peu importe qui elle verra, cette fois-ci, il ne jouera pas aux Jésus-le-Sauveur pour elle.
Quelques minutes plus tard, c’est avec une grande émotion qu’il aperçoit au loin, un Issa méconnaissable tellement il est stressé. Tout dans son regard, ses gestes, ses beaux habits dévoile une maladresse de celui qui sans doute aime pour la première fois. Celui qui aime sans avoir eu à noyer son cœur dans des aventures futiles. Pas comme Mwiza.
Oh Issa, te mérite-t-elle?
Ce midi, elle avait encore rendez-vous avec un autre.
Personne ne sait pourquoi mais elle est comme ça…
Mwiza s’éloigne avec Issa vers l’enceinte de l’hôtel. Quelque heures plus tard, Bosco l’entend rentrer et s’en étonne. Elle l’a habitué à rentrer à l’aube. Il la voit s’éloigner vers l’enceinte de la maison, mais elle prend de se retourner vers lui pour lui offrir son plus beau sourire. Bosco, ravi, estime que sa journée est terminée et prend ses affaires pour rentrer chez lui retrouver enfin sa femme et sa petite fille de cinq ans. Mais il voit Mwiza ressortir aussitôt avec une bouteille de vin et deux verres à la main . Elle insiste pour bavarder avec lui. Toute une nuit à rire pour retrouver leur complicité d’antan, et parler de tout et de rien. Le temps de se rendre compte que derrière les airs superficiels de Mwiza, se cache une fille sensible et en phase avec la vie.
Ce qu’elle dit est plus sensée que ce qu’elle ne fait. Pourquoi est-elle si déconnectée? Pourquoi ?
Oh mon Dieu, il est déjà cinq heures et la bouteille de vin est vide. Un bon Salice Salentino que Mwiza a ramené d’Europe. Elle se lève brusquement et remercie Bosco infiniment. De ne pas l’avoir permise de commettre la plus grosse bêtise de sa vie : aller voir Alan qui fêtait son anniversaire au Pili-Pili et lui dire que désormais, il ne devrait plus l’appeler. Qu’elle voulait avancer sans lui. Parce que peut-être qu’elle n’est pas prête à le laisser partir. Elle est encore accro.
Bravo Bosco. Voilà ce qui se passe quand on s’improvise en Sauveur.
– Attends Mwiza! Et Issa alors ? Réplique Bosco, embêté.
– Qui ? demande Mwiza sarcastiquement en ricanant.
Elle s’avance, le regarde droit dans les yeux, la tête rehaussée et lance un insolent
– Ça n’a rien à voir avec lui!
Bosco et Mwiza se regardent longuement et éclatent de rire.